« Ça m’agace quand on essaie d’analyser le jazz comme un théorème intellectuel. Rien à voir. C’est un sentiment. »
Bill Evans.
Salut à toi, jeune Padawan
Dans la lignée du grand Miles et du gigantesque John, nous allons nous intéresser aujourd’hui à l’intrépide Bill — Bill Evans, œuf corse — un autre monstre sacré du Jazz.
Alors, je me rends compte que dans l’entrain de vouloir te parler de Jazz, je me suis fourvoyée à deux mètres du bol de sangria en commençant mes articles par Coltrane et Davis, alors que Bill est bel et bien le moyen le plus facile, naturel et doux pour s’y initier. Mais que veux-tu, la passion, l’engouement et l’envie de partager m’ont fait te présenter ses deux collègues en premier, ma foi, personne n’a l’air d’en avoir été traumatisé, j’ai même eu des petits mots sur Instagram me témoignant de la joie de ces découvertes musicales respectives.
Car oui, le Jazz, c’est comme le classique ou le métal, on ne met pas du Rachmaninov ou du Slayer en toute détente sans avoir éduqué son oreille au préalable, sinon on dit « c’est de la merde », comme on rejette souvent ce que l’on ne comprend pas, et l’on passe à côté de beaux morceaux certes, mais parfois également de ce qui aurait pu être par la suite une passion.
Alors c’est parti pour la découverte d’un thème mythique de Bill Evans, même s’il en a eu bien d’autres : Waltz for Debby.
Crédit photo : Jazz Recordings – blogspot.
Bill Evans
Né le 16 août 1929 dans le New Jersey, il grandit, lui et son grand frère qui étudie le piano, dans une famille mélomane. Dès l’âge de six ans, il se met au piano, au violon, qu’il arrêtera deux ans plus tard, puis à la flûte, déchiffrant les partitions de musique classique d’artistes du XXe siècle à disposition à la maison comme Debussy, Stravinsky, ou Milhaud.
Il commence à s’intéresser au jazz à l’adolescence et en particulier à Bud Powell, Nat King Cole, George Shearing, Horace Silver et Lennie Tristano, et joue dans des orchestres amateurs locaux.
Après trois ans de service militaire comme flûtiste en garnison à Fort Sheridan, il commence à jouer et à enregistrer avec des orchestres new-yorkais mineurs, tout en prenant des cours de composition à la Mannes School of Music.
Le grand public découvre Evans quand le trompettiste Miles Davis l’engage, entre février et novembre 1958, dans la section rythmique de son sextet avec John Coltrane et Cannonball Adderley. Inspirée par la musique guinéenne, Davis s’intéresse à la musique modale et le pianiste lui semble être le partenaire indiqué. Mais rapidement, Evans, tout comme Adderley et Coltrane, a envie de jouer dans ses propres groupes.
En 1959, il forme un trio régulier avec le contrebassiste Scott LaFaro et le batteur Paul Motian. Les trois partenaires, rompant avec la tradition avec laquelle contrebassiste et batteur se cantonnaient à un rôle d’accompagnement, se livrent à une véritable « improvisation à trois ». C’est cet « interplay » – cette synergie constante entre les trois musiciens – qui fait la spécificité et la modernité de ce trio.
Les trois complices enregistrent quatre disques : Portrait in Jazz (1959), Explorations (1961) et surtout deux albums mythiques issus d’une même séance au Village Vanguard de New York : Waltz for Debby et Sunday at the Village Vanguard (25 juin 1961). Scott LaFaro trouve la mort dans un accident de la route dix jours seulement après l’enregistrement de ces disques.
Profondément affecté par la mort de LaFaro, Bill Evans, même s’il continue sa carrière de sideman (albums comme accompagnateur de Mark Murphy, Herbie Mann, Tadd Dameron, Benny Golson…), n’enregistre rien en trio pendant presque un an.
S’ensuivront presque 20 ans de carrière prolifique avec des albums tout aussi merveilleux que Wlatz for Debby. Il décèdera le 15 septembre 1980.
S’il n’a jamais fait partie de l’avant-garde, Bill Evans a profondément révolutionné l’approche du trio et du piano jazz. Il a su incorporer dans son discours une certaine couleur harmonique provenant de ses influences classiques (les impressionnistes français : Fauré, Debussy et Ravel, mais aussi Chopin, Scriabine…) Son art du voicing (choix des notes pour les accords) toujours sur la partie médium-supérieure du clavier pour libérer de la place au jeu de basse de son contrebassiste, son sens des subtilités rythmiques (accentuations, polyrythmie, « displacement », etc.) et de la mélodie alliés à une extrême sensibilité font de lui un des pianistes majeurs de l’histoire du jazz.
Son répertoire était constitué, en grande partie, de chansons de Broadway et Tin Pan Alley, dont de nombreuses valses, qu’il reprenait inlassablement, mais il a aussi été un compositeur inspiré. Nombre de ses compositions sont devenues des standards du jazz : Waltz for Debby, Very early, Turn out the stars, Time remembered…
crédit photo : Pinterest.
Waltz for Debby
C’est une valse en fa majeur composée en hommage à sa nièce Debby (fille de son frère, le pianiste Harry Evans). La première version enregistrée se trouve sur l’album New Jazz Conceptions (1956), et a joué ce thème tout le long de sa carrière.
Ce thème est désormais un standard de jazz repris par de nombreux musiciens. Parfois, la métrique à trois temps est maintenue tout le long du morceau. Parfois, le thème est repris sur une métrique à quatre temps.
Waltz for Debby, c’est une merveille. Cette musique te transporte, met de la gaité dans ton petit cœur avec un brin d’espièglerie, bref, tout y est, il n’y a plus qu’à se laisser transporter. Je t’ai mis la version enregistrée au Village Vanguard, avec LaFaro et Motian, ma préférée.
Comme déjà dit dans d’autres articles concernant la musique un peu technique : si tu es néophyte et qu’à un moment tu es perdu dans la musique, cale ton oreille sur la batterie, elle te guidera à retrouver le rythme et la compréhension du thème.
Voilà, j’espère avoir pu faire découvrir cette sublime mélodie à certains, offrir une réécoute à d’autres, et que pour l’ensemble d’entre vous, vous aurez passé un agréable moment en ma compagnie et celle, surtout, de Bill Evans.
Salutations mélomanes 🎵
Sources : Wikipedia, Dragon Jazz, encyclopédie du jazz (ed. Aimery Somogy).